CANOË-KAYAK: SAMAN SOLTANI, UNE RÉFUGIÉE OLYMPIENNE À SAINT-LAURENT-BLANGY

Kayak Saman Soldani Saint-Laurent-Blangy
Saman Soldani lors de son passage à Saint-Laurent-Blangy (photo JMD/Sports 5962)

L’ASL Grand Arras canoë-kayak, le meilleur de club français de course en ligne, compte une nouvelle licenciée étrangère. Elle s’appelle Saman Soltani et arrive d’Autriche. Auparavant, cette kayakiste de 27 ans était iranienne. Mais elle a dû fuir son pays d’origine, avant de participer aux Jeux Olympiques de Paris 2024, sous la bannière des réfugiés. Elle cherche aujourd’hui un point de chute en France, et pourquoi pas, dans l’Arrageois, où le club local l’a déjà pris sous son aile.

C’est ainsi que l’ASL lui a payé son billet d’avion depuis Vienne, où elle réside pour le moment, avant d’être accueillie à Saint-Laurent-Blangy. Saman Soltani a en effet été présentée lors de la conférence de presse de rentrée du club immercurien. Une façon concrète d’aider cette jeune femme de 27 ans, au physique de mannequin, à trouver un point de chute pour la prochaine olympiade. Elle a ainsi raconté son parcours de réfugiée aux membres du club présents ce vendredi 28 mars au stade nautique du Grand Arras. Son histoire est très révélatrice.

« J’ai quitté l’Iran fin août 2022 . En 2023, j’ai obtenu mon statut d’asile social en Autriche, et en 2024, j’ai participé aux Jeux Olympiques sous la bannière de l’ équipe des réfugiés. Cette année, je suis devenue Autrichienne, je suis juste une athlète libre. » Mais son parcours de sportive, sa vie de femme dans une république islamique, a commencé bien avant à Téhéran, où elle est née.

Des débuts impossibles en natation artistique

Saman explique d’abord dans un anglais parfait, qu’elle a débuté sa carrière sportive par la natation synchronisée. Un sport où le maillot de bain à l’européenne est interdit. Elle n’a donc jamais pu disputer une compétition à l’étranger, comme nageuse artistique, ni comme nageuse tout court. « Même mon père n’avait pas le droit de venir me voir nager. A 15 ans, j’étais championne d’Iran. Mais j’ai dû arrêter là ma carrière de nageuse. »

Saman s’oriente alors vers le canoë-kayak, où les restrictions religieuses étaient un peu moins strictes. Elle termine 2è aux championnats Asiatiques en 2018 et intègre l’équipe d’Iran. Saman devient également coach de kayak. Elle participe aussi à un stage de natation international à Barcelone durant l’été 2022. « Mais là, des proches me déconseillent de rentrer en Iran car les gardiens de la Révolution ont vu des photos de moi alors que je ne portais pas le hijab. »

Craignant l’arrestation, Saman Soltani décide de rester en Europe. « Je ne savais pas où aller. Je suis ainsi restée 10 jours cachée à l’aéroport de Vienne... » Un peu comme Tom Hanks dans le film « le Terminal. » A Vienne, elle est hébergée par une amie autrichienne. « Durant ma nouvelle vie, trois de mes amis sont morts en Iran. Quatre autres sont emprisonnés. C’est pourquoi j’ai demandé le statut de réfugiée politique à l’Autriche, qui me l’a accordé l’année suivante. Mais je faisais des cauchemars toutes les nuits. »

La rencontre avec Adrien Bart

L’éclaircie, la kayakiste l’obtient grâce au Comité international olympique (CIO), qui lui accorde une bourse pour participer aux Jeux Olympiques de Paris, dans l’équipe des réfugiés. A ce moment là en effet, elle ne pouvait participer aux JO ni pour l’Iran bien sûr; mais pas encore pour l’Autriche. Saman Solteni défilera donc sur la Seine sur le bateau des réfugiés, lors d’une cérémonie d’ouverture inoubliable.

En compétition, sur le bassin olympique de Vaires/Marne, elle sera éliminée en 1/4 de finale du K1 500m. Pour se voir classée 38è. C’est pourquoi elle tient à repartir pour une olympiade, afin d’obtenir des résultats meilleurs en 2028. « Je vise une médaille à Los Angeles. Mais au-delà de ça, j’ai un message à faire passer. Je veux être une femme libre et indépendante pour pratiquer mon sport. » Et ouvrir ainsi la voie aux femmes menacées comme elle par des régimes dictatoriaux.

Lors des JO de Paris, Saman Soltani côtoie ainsi de nombreux compétiteurs. « Je ne me sentais plus seule. J’ai rencontré beaucoup de gens bienveillants ». Dont le céiste de l’ASL Adrien Bart. Le dialogue s’établit spontanément. C’est non seulement un champion, mais aussi un être humain gentil, humble et aimant. C’est un véritable privilège de faire partie de sa vie et, grâce à lui, d’avoir rencontré tous les membres de
l’ASL. »

Le 4è des JO de Tokyo l’oriente vers son club. En décembre dernier, Saman vient ainsi à Arras où elle rencontre Virginie Bayle, ancienne championne de haut-niveau. Celle-ci a notamment coaché les Sénégalais Combé Seck et Edmond Sanka lors de Paris 2024. Les deux femmes échangent sur les possibilités de préparation sur place. Mais aussi sur une aide au niveau matériel. Saman décide donc de prendre une licence au club immercurien.

Un appel aux partenaires

Malheureusement, la bourse olympique du CIO a pris fin le 31 décembre. « Il lui faut maintenant trouver un point d’accueil pour s’entraîner, mais aussi pour vivre, explique ainsi le président de l’ASL Olivier Bayle. Nous sommes prêts à l’accueillir comme nous l’avons fait pour Combé et Edmond. C’est pourquoi nous lançons un appel aux partenaires pour les trois saisons à venir. »

Kayak Saman Soltani à l'ASL
Saman Soltani lors de la conférence de presse (photo JMD/Sports 5962)

Après cette conférence de presse, Saman Soltani a disputé sa première compétition avec l’ASL, deux jours plus tard. C’était aux régates de Valenciennes, où elle s’impose en K1.

L’ex-Iranienne, devenue Autrichienne, espère revenir bien vite, et pour longtemps, à Saint-Laurent-Blangy, qui lui ouvre grands les bras. Et pourquoi pas, aller aux Jeux de Los Angeles sous les couleurs de la France, ce que lui permet son statut sportif de réfugiée.

Elle marcherait ainsi sur les traces de Mansour Bahrami, Mahyar Monshipour ou Aravane Rezaï. Des Iraniens qui ont été adoptés par la France. Ce serait une belle histoire comme la région en souvent connu.

A propos de JEAN-MARC DEVRED 1725 Articles
Journaliste professionnel depuis 1980, après des études de journalisme au CUEJ de Strasbourg. Carrière en presse écrite, en radio et surtout en télévision à France3 Nord-Pas-de-Calais.