Du 22 au 28 mars, les courts couverts du Tennis club lillois ont accueilli le tournoi ATP de Lille. Le Play In Challenger Lille, doté de 78 120 dollars de prix s’est déroulé malgré le covid, et un contexte sanitaire compliqué dans les Hauts-de-France, grâce à la ténacité des organisateurs nordistes.
Lorsque le dimanche 28 mars, en fin d’après-midi, le tournoi a pris fin avec la victoire du jeune Zizou Bergs face au double tenant du titre Grégoire Barrère, les organisateurs ont poussé un ouf de soulagement. L’annonce d’une intervention d’Emmanuel Macron pour annoncer un reconfinement total faisait craindre le pire pour les compétitions sportives. Mais le Play In Challenger Lille est « passé juste au bon moment », selon l’expression du directeur du tournoi Joseph Latacz. Une semaine plus tard et le tournoi pouvait tout simplement être annulé. Ce qui aurait été une catastrophe après l’interruption de l’année dernière.
En 2020, l’épreuve nordiste avait été d’abord repoussée au mois d’octobre. Mais l’arrivée de la 2ème vague avait conduit les organisateurs à renoncer définitivement. Ils se sont rapidement remobilisés pour permettre à l’édition 2021 de se tenir à la date fixée par l’ATP. Mais sans public.
Un cahier des charges important
Tout le club s’est mis en ordre de marche malgré les difficultés économiques. Sans oublier le contexte anxyogène et un cahier des charges encore plus lourd.
» Un tournoi version 2.0 »
Sarah Pitkowski, marraine du Play In Challenger Lille
« A cause de la crise sanitaire, nous avons droit à un tournoi version 2.0″, expliquait ainsi Sarah Pitkowski. L’ancienne championne villeneuvoise était la marraine de l’édition . D’où sa présence en fin de compétition, dans sa métropole d’origine. Reconvertie depuis sa retraite sportive dans la communication et les media, Sarah commentera ainsi le prochain Roland Garros sur Amazon, qui a l’exclusivité des rencontres en nocturne. » Malgré le huis clos, le public pourra suivre le tournoi sur les réseaux sociaux et sur internet », confiait-elle sur une vidéo du club.
La région des Hauts-de-France était confinée, comme l’Ile-de-France, avant le reste du pays. Les déplacements étaient . particulièrement compliqués pour les joueurs étrangers venant en France. Même les Belges tout proches étaient bloqués par une fermeture plus ou moins contraignante de la frontière; et des conditions administratives sévères pour sortir de chez eux.
Le faux bond de Lucas Pouille
Le Tennis club lillois dirigé depuis trois ans par Antoine Sueur s’est donc résolu à un plateau fortement tricolore. « La plupart des joueurs étrangers qui devaient jouer chez nous a préféré s’engager dans des tournois organisés au même moment en Suisse (Lugano) et en Croatie, (Zadar), afin d’éviter la quarantaine imposée en France », explique ainsi le jeune président du TCL.
Le Lonnois Lucas Pouille était attendu comme la nouvelle star pour ce tournoi joué sur ses terres nordistes. Malheureusement, la veille du tournoi, l’ancien n°12 mondial a déclaré forfait, en arguant d’un problème de blessure à l’entraînement qui n’a pas convaincu grand monde. » Nous avons appris son forfait par l’ATP car Lucas n’a pas pris la peine de nous prévenir directement, moi ou Joseph Latacz« , déplore ainsi Antoine Sueur.
Malgré ce faux bond, l’équipe est restée soudée . Elle a accueilli au mieux les 32 joueurs et offrir un spectacle de qualité, malgré le huis clos.
Chaque jour, près de 200 bénévoles se sont relayés pour offrir aux joueurs les meilleures conditions d’accueil. Juges de ligne, ramasseurs de balles sur toutes les rencontres de simple , personnel administratif et de restauration, chauffeurs pour les voitures officielles qui transportaient les participants à leurs hôtels… Rien n’a manqué pour observer le cahier des charges particulièrement lourd de l’ATP.
Un protocole sanitaire draconien
Se sont rajoutées les contraintes importantes provoquées par l’épidémie de covid-19. Comme au Vendée Globe, pas de spectateurs, port du masque, présence de gel hydroalcoolique un peu partout mais aussi l’obligation de présenter un test PCR négatif. De plus, chaque personne présente devait remplir tous les jours un formulaire numérique attestant n’avoir aucun symptôme de la maladie. Faute d’avoir respecté ces mesures, un journaliste s’est ainsi vu refuser l’entrée dans cette bulle sanitaire.
« Notre modèle économique est différent des autres tournois »
Antoine Sueur, président du comité d’organisation
Dans ce contexte de crise sanitaire, mais aussi économique, comment le TC lillois a t’il pu organiser son Challenger ? » Parce que nous avons un modèle économique différent, qui ne repose pas sur la billetterie ni les recettes provenant de la buvette et de la restauration », explique Antoine Sueur.
Les années précédentes en effet, l’entrée était gratuite en semaine pour les spectateurs. Les tribunes se garnissaient en fin de journée. Le fait de disposer de ses propres installations depuis 2015 a permis de retirer du budget un poste de dépense important: la location du palais des sports Saint-Sauveur. Cette vieille salle où s’est longtemps joué le tournoi « future » ITF lancé par le président de l’époque Henri Maignant.
Mais surtout, le TCL a pu s’appuyer sur le soutien de ses partenaires habituels. » Malgré le contexte économique difficile provoqué par le coronavirus, les collectivités locales, la fédération et les entreprises qui nous suivaient ont renouvelé leur soutien financier ». Cette fidélité récompense le sérieux de l’organisation. qui a fait ses preuves les années précédentes. Car comme tous les clubs amateurs, le TCL a subi de plein fouet la suspension de la pratique du tennis en intérieur, et une perte (somme toute modérée) de licenciés.
Un suivi médiatique sans précédent
Même si le plateau n’était pas celui espéré, le challenger lillois a connu des retombées médiatiques bien supérieures aux précédentes éditions. Le journal « l’Equipe » avait ainsi délégué pour la première fois une journaliste durant trois jours. Plusieurs articles de fond ont ainsi été publiés dans le seul quotidien 100% sportif du pays.
Pour pallier le huis clos, une régie vidéo a été mise en place. Les matches du court central étaient diffusés en streaming gratuit, sur le site du club mais aussi celui de l’ATP. Le tournoi a donc été suivi dans le monde entier.
Se sont ajoutées la retransmission des demi-finales le samedi (avec commentaire cette fois) sur le site de la Fédération française de tennis (FFT TV) et de la finale le dimanche sur BeIN Sports. Cela a permis de revoir au micro la néo-retraitée Pauline Parmentier, reconvertie dans les médias. Pauline était ravie de pouvoir commenter dans sa région d’origine (Pauline Parmentier est native de Cucq, sur la Côte d’Opale).
Le tournoi en streaming
Le streaming a connu un vrai succès. Ce qui incite les organisateurs à reconduire l’opération en 2022. Même s’ils espèrent le retour du public qui a manqué cette année. Seuls les bénévoles présents ont pu assister aux rencontres durant leur pause, ce qui a pu donner l’impression que le tournoi n’était pas totalement à huis clos.
Sur le plan purement sportif, ce tournoi à forte coloration française a donné lieu à une édition de qualité, malgré l’absence de têtes d’affiches, après le forfait de Lucas Pouille et le désistement de l’Américain Jack Sock. Le vainqueur du Masters 1000 de Bercy en 2017, a finalement préféré disputer le tournoi de Lugano organisé la même semaine.
Pourtant, si les Français représentaient bien 50% des inscrits, le Challenger lillois, remporté deux fois par Grégoire Barrère, a vu une victoire étrangère, même si ce vainqueur est un voisin proche, le jeune Belge Zizou Bergs.
Inconnu en arrivant à Lille, ce jeune Anversois de 21 ans a dû passer par les qualifications pour accéder au tableau final. Il est ensuite parvenu presque normalement en finale en éliminant successivement les Allemands Maximilian Marterer (6-4, 6-1) et Tobias Kamke (6-3, 3-6, 6-3); l’Italien Andrea Arnaboldi (4-2, abandon sur blessure) en 1/4 de finale puis le Français Quentin Halys (1-6, 6-3, 6-3) en 1/2 finale.
La révélation d’un jeune Belge inconnu
Il retrouvait donc en finale le double lauréat de l’épreuve, Grégoire Barrère, 116ème joueur mondial et tête de série n°1. Le jeune Flamand, au jeu spectaculaire, n’avait pas les faveurs du pronostic. Après s’être incliné 4-6 dans le premier set face au Français, Bergs va renverser la situation en remportant les deux manches suivantes 6-1 et 7-6. Une victoire inattendue car c’est grâce au forfait de dernière minute de Lucas Pouille qu’il a pu jouer les qualifications !
Victoire inattendue ? Peut-être pas tant que cela. Avant d’arriver dans la capitale des Flandres, il avait gagné un premier tournoi challenger à Saint-Petersbourg. Sa qualité de jeu a d’emblée montré qu’il valait bien mieux que son classement ATP.
En quelques mois, le Limbourgeois est passé de la 528ème à la 265eme place mondiale. Zizou est son véritable prénom. Son père footballeur l’a choisi car Zidane était son idole. Aujourd’hui, Bergs junior porte fièrement ce prénom peu courant. La presse belge suit de près ce jeune joueur qui marche sur les pas des autres pointures historiques du tennis outre-Quiévrain comme Filip Dewulf, Xavier Malisse, les frères Rochus ou David Goffin.
Rendez-vous à Roland Garros
Hormis ses qualités techniques, Zizou Bergs possède une véritable personnalité sur le court. Son modèle: l’Américain Andy Roddick, qu’il a rencontré durant l’US Open 2017. Avec sa casquette à l’envers, son jeu tourné vers l’attaque, il rappelle irrésistiblement l’ancien vainqueur de Flushing Meadows.
Révélation de ce début de saison, il pourrait intégrer rapidement le top 100 et briller dans les prochaines semaines à Roland-Garros, son prochain grand rendez-vous.
D’ailleurs, le tournoi de Lille a souvent révélé des joueurs qui par la suite, ont réussi des performances aux Internationaux de France. Jo-Wilfried Tsonga, vainqueur en 2006, et le Russe Karen Khachanov, lauréat en 2015 ont ainsi inscrit leur nom au palmarès de l’Open de Lille, qui était alors un simple tournoi « future » ITF.
Pour ce qui est du vainqueur 2021: affaire, ou plutôt, talent à suivre…