Les favoris étaient au rendez-vous à Roubaix. Mathieu van der Poel (Alpecin Deceuninck) remporte la 120ème édition de Paris-Roubaix, devant les Belges Jasper Philipsen (son équipier) et Wout van Aert (Jumbo Visma), son grand rival. La course, très rapide, s’est conclue avec une échappée royale dans laquelle les Français étaient totalement absents. Mathieu Van der Poel a remporté le Paris-Roubaix le plus rapide de l’histoire. Il devance l’édition de plus d’un km/h. Au total, 55 coureurs ont été plus vite que la moyenne réalisée l’an dernier par Dylan Van Baarle (45.792 km/h de moyenne).
Un chiffre faisait parler dimanche matin au départ de Compiègne. Sur les 175 coureurs engagés dans ce 120ème Paris-Roubaix, il n’y avait que 14 Français ! Un record de faiblesse jamais atteint dans la plus grande classique française. La probabilité de voir un tricolore succéder à Frédéric Guesdon, dernier vainqueur Français en 1997, était donc très peu élevé. Même si quelques espoirs reposaient sur les épaules de Christophe Laporte (Jumbo Visma), Anthony Turgis (TotalEnergies) et le Nordiste Florian Sénéchal (Soudal Quick Step). Pas pour la victoire mais surtout pour un accessit.
La course est verrouillée d’entrée. Aucune échappée ne peut se détacher lors de la première heure parcourue en 51 km, avec le vent dans le dos ! Diverses tentatives ont lieu, dont celle de Sénéchal, en vain. Visiblement, il y a une volonté des équipes d’arriver groupé sur les premiers pavés à Troisvilles.
Quatre coureurs dans le vent
Il faut attendre le Km 80, juste avant Troisvilles pour voir enfin 4 coureurs prendre du champ. Les Allemands Jonas Koch et Juri Hollmann, le Danois Mikkel Bjerg et le Canadien Derek Gee attaquent en tête le premier secteur pavé devant un peloton extrêmement nerveux avec 1’20 d’avance. L’un des outsiders, Kasper Asgreen est lui déjà lâché suite à une crevaison.
Heureusement, ces premiers pavés sont secs. Ce qui n’empêche pas une première chute violente sur le 2ème secteur, avec Peter Sagan, qui disputait son dernier Paris-Roubaix; mais aussi Davide Ballerini et le Belge de Cofidis Piet Allegaert. La débâcle se poursuit pour Soudal Quick Step avec Florian Sénéchal décroché après une crevaison. Les chutes vont alors s’enchaîner. Victimes de traumatismes crâniens, Sagan, Allegaert mais aussi le vainqueur 2022 Dylan Van Baarle, ainsi que Guillaume Van Keirsbulck seront évacués vers les hôpitaux de Cambrai pour les deux premiers; de Valenciennes pour les deux autres.
Mais c’est vraiment à Arenberg que la situation va se décanter. Alors qu’un groupe de chasse emmené par Wout van Aert et Christophe Laporte revient sur l’échappée, les chutes se succèdent dans la terrible tranchée. La sélection se fait. Les plus forts sont devant. Mais les péripéties propres à l’Enfer du Nord vont écrire le scénario final.
Le héros de cette fin à suspense s’appelle Mathieu van der Poel. Le prodige néerlandais va secouer plusieurs fois la tête de course. Le groupe final rassemble que des cracks: Van der Poel, Van Aert, Pedersen, Küng, Ganna, Philipsen et Degenkolb, vainqueur en 2015.
La sentence du Carrefour de l’Arbre
La victoire va se jouer comme souvent au Carrefour de l’Arbre. Degenkolb tombe. Van der Poel et Van Aert attaquent. Mais le Belge doit changer de vélo au milieu du secteur pavé mythique, après une crevaison. C’est fini. Van Aert laisse filer son grand rival. Il ne pourra pas revenir et devra se contenter de lutter pour la 2ème place avec ce qu’il reste de l’échappée royale.
Sur la piste de Roubaix, Van Aert doit même s’incliner devant l’étonnant Jasper Philipsen, 2ème. Celui-ci démontre qu’il est plus qu’un sprinter. Les deux équipiers réalisent le doublé pour Alpecin Deceuninck. Ils étaient aussi tous les deux mercredi au Grand Prix de l’Escaut, gagné d’ailleurs par Philipsen. A méditer pour les candidats à Paris-Roubaix l’année prochaine, au niveau de la préparation.
Le petit-fils de Raymond Poulidor est allé chercher sa première victoire sur la Reine des classiques, où son grand-père avait pris la 5e place en 1962 et où son père Adrie Van der Poel était monté sur le podium en 1986 (3e). MVDP devient aussi le quatrième coureur de l’histoire à s’imposer la même année sur Milan-Sanremo et Paris-Roubaix après Cyrille van Hauwaert (1908), Sean Kelly (1986) et John Degenkolb (2015).
« C’est une de mes plus belles journées sur le vélo« .« , confie Mathieu en conférence de presse. « J’ai attaqué plusieurs fois, puis sur le dernier secteur il y a eu ce crash de Degenkolb, et je me suis retrouvé tout seul. J’ai compris que Van Aert avait un problème, mais je ne savais pas que c’était une crevaison. On aurait peut-être pu aller ensemble jusqu’au vélodrome, mais cela fait partie du sport, il faut parfois de la chance pour réussir à s’imposer, il ne faut pas seulement les jambes. »
La discrétion française
Les Français, déjà très minoritaires, n’ont pas vraiment existé dans cette course extrêmement rapide. A l’exception de Christophe Laporte, finalement 10ème à 4’11 malgré plusieurs crevaisons. Alexis Renard (Cofidis) est lui 28ème à 4’38. Le seul Nordiste engagé, Florian Sénéchal termine très loin, 63ème à 11’58. Ce n’était pas sa journée ni celle de Soudal Quick Step.
L’équipe française Groupama-FDJ peut se consoler avec la 5ème place du Suisse Stefan Küng, un peu juste dans le final après une très belle course. On notera aussi la 8ème place de l’Allemand Max Walscheid, qui redonne des couleurs à Cofidis.
Mathieu Van der Poel remporte son premier Paris-Roubaix pour sa 3ème participation. Il entre définitivement parmi les Grands avec ce monument du cyclisme. La campagne flandrienne est terminée. Place maintenant aux Ardennaises avec d’autres coureurs.
Les réactions
Jasper Philipsen (2ème). « Difficile de dire si j’aurais pu gagner, mais il est clair que Mathieu était le plus fort. Quand il a attaqué dans le Carrefour de l’Arbre, je ne pouvais de toute façon pas le suivre, même si j’avais de bonnes jambes. Mais faire un et deux c’est un rêve, je ne peux que profiter de ce moment. »
Wout van Aert (3ème). « Quand j’ai crevé, c’était comme un cauchemar, je n’arrivais pas y croire que c’était vrai, mais mon pneu était vraiment à plat. J’ai essayé de rester positif pour me relancer dans la course et essayer de rejoindre Mathieu, mais c’est impossible de combler un trou de 20’’ sur quelqu’un comme lui. Il fallait quand même que je continue de tout donner… ».
Stefan Küng (4ème). » il faut pour moi que tout soit parfait pour que je puisse rivaliser avec Mathiet et Wout. J’ai eu des soucis mécaniques au début. Je ne peux pas me permettre d’avoir cela et après de perdre de l’énergie pour boucher les cassures. Je n’ai pas de regrets car j’ai tout donné. Il faut accepter le fait que des coureurs soient plus forts. Mais j’espère qu’un jour j’y arriverai… »
Max Walscheid (8ème). « J’ai réussi à être très fort tout au long de la course. J’ai saisi l’opportunité de suivre les meilleurs dans la trouée d’Arenberg et j’étais vraiment content d’être dans leur rythme. À Mons-en-Pévèle, j’ai peut-être fait une petite erreur en essayant d’anticiper les attaques, ce qui m’a coûté beaucoup d’énergie. Je ne sais pas vraiment comment j’ai réussi à trouver la force de me battre ensuite. «
Classement de Paris-Roubaix 2023
1 – VAN DER POEL Mathieu (Alpecin-Deceuninck) les 256,6 km en 5:28:41 (46,8 km/h)
2 – PHILIPSEN Jasper (Alpecin-Deceuninck) + 0:46
3 – VAN AERT Wout Jumbo-Visma) m.t
4 – PEDERSEN Mads (Trek – Segaf) + 0:50
5 – KÜNG Stefan (Groupama – FDJ) m.t
6 – GANNA Filippo (INEOS Grenadiers) m.t
7 – DEGENKOLB John (Team DSM) + 2:35
8 – WALSCHEID Max (Cofidis) + 3:31
9 – REX Laurenz (Intermarché – Circus – Wanty) + 3:35
10 – LAPORTE Christophe (Jumbo-Visma) + 4:11
175 partants. 135 coureurs classés. 3 hors-délais. 37 abandons.