A Roland-Garros, Jean-Marc Devred
Jo Wilfried Tsonga a mis fin à sa carrière de joueur ce mardi 24 mai à Roland-Garros. L’ancien vainqueur de l’Open de Lille jouait sur le court Philippe Chatrier son match du 1è tour face au Norvégien Casper Ruud, numéro 8 mondial. Sans surprise, il a été battu par le Scandinave. Mais l’essentiel n’était pas là. C’était l’occasion pour le public qui remplissait le central de rendre hommage à un joueur emblématique du tennis français. Au moment où Roland-Garros et le Festival de Cannes se disputent la vedette, les spectateurs ont vécu un véritable film digne d’hollywood pour les adieux de Tsonga à la scène.
C’est le premier des « nouveaux mousquetaires » à quitter la scène. A 37 ans, le Manceau arrête la compétition. Tsonga figure aujourd’hui au 297è rang mondial. Il a logiquement bénéficié d’une invitation pour le dernier tournoi de sa riche carrière. Tous ses proches, comme Grégoire Barrère, s’attendaient à une grande fête.
Un palmarès remarquable
Tsonga, c’est l’un des plus beaux palmarès du tennis français. 18 titres en simple dont Bercy; 4 en double. La Coupe Davis conquise au stade Pierre-Mauroy en 2017. Ainsi qu’une grande régularité dans les tournois du Grand Chelem: finaliste en 2008 à Melbourne contre Djokovic après avoir sorti Nadal; demi-finaliste à Wimbledon en 2011 et 2012; trois « quarts » à l’US Open. A Roland-Garros, Tsonga a atteint deux fois le dernier carré en 2013 et 2015.
Professionnel depuis 2001, « Jo » a connu son meilleur classement ATP (6è) en 2008 et 2011. Il a figuré six années dans le top 10 mondial. Il lui manque juste une victoire en grand chelem pour le faire entrer au panthéon du sport français. Mais il a eu la malchance de tomber à l’époque de Federer, Nadal, Djokovic et Murray, qui ont trusté les titres dans les années 2000.
Tsonga est l’un des trois seuls joueurs au monde à avoir battu ces quatre phénomènes en grand chelem. Il a également obtenu la médaille d’argent en double messieurs aux Jeux Olympiques de Londres en 2012 avec Michaël Llodra.
Tsonga relancé à Lille
Grand espoir du tennis français au début du siècle, Tsonga a connu des débuts difficiles car il était souvent blessé. Il a travaillé son physique. Et il a commencé à vraiment lancer sa carrière en 2006, quand il gagne l’Open de Lille disputé alors au Palais Saint-Sauveur. Il s’agit alors d’un tournoi future (3è division) et il s’impose en finale contre le Français Hugues De Chaunac, après avoir été opéré d’une hernie discale. Celui-ci qu’on craignait perdu car trop fragile va alors véritablement démarrer une grande carrière aux côtés des autres mousquetaires Richard Gasquet, Gaël Monfils et Gilles Simon, qui arrête lui à la fin de l’année.
C’est avec émotion que Jo-Wilfried Tsonga est entré sur le court Philippe-Chatrier de Roland-Garros pour ce qui allait être son dernier match. Mais à ce moment-là, personne n’imaginait le scénario de cet ultime épisode.
En face de lui, le « méchant ». Le Norvégien Casper Ruud, n°8 mondial partait largement favori. Mais le Français va faire preuve de bravoure et bousculer le Scandinave. Tsonga gagne ainsi le premier set au tie-break après un combat de 70 minutes ! Il perd de peu le 2è toujours au tie-break.
L’amour de Roland-Garros pour Tsonga
Le public venu pour lui craint alors une défaite inexorable face à un adversaire supérieur. Ruud gagne en effet la 3è manche 6-2, grâce à un jeu sans gans faille, mais sans génie.
Pourtant, tel Fanfan La Tulipe, Jo va renverser la tendance, et faire rêver les spectateurs. Mené 4-5 dans la 4è manche, le Manceau égalise 5-5 en terminant son jeu sur un ace. Le public lui fait une première standing ovation. Puis il prend le service de Ruud avec un jeu blanc. Tsonga mène 6-5 et va servir pour revenir à deux manches partout. Ses supporters chantent alors la Marseillaise durant la minute de repos. C’est l’euphorie dans les tribunes. Mais survient durant ce moment une fin digne des blockbusters d’Hollywood.
Tsonga se lève de sa chaise pour aller servir. Mais à la surprise générale, il revient précipitamment changer de raquette. Il sert une première balle ridicule à 122 km/h ! On croit au loupé. Mais il récidive juste derrière avec une balle à 143 km/h. Les spectateurs comprennent qu’il a un problème à l’épaule. Il ne peut plus lever sa raquette. Au point qu’il fait un 3è service… à la cuillère ! Il perd logiquement le jeu sans l’avoir joué. Et il demande à l’arbitre d’appeler le kiné.
Tsonga expliquera le problème en conférence de presse. » Quand je me suis fait mal, sur la balle de break pour mener 6-1 et servir au quatrième set, c’est vraiment sur le coup droit où lui rate que je me fais mal, et quand je vais servir et que je me rends compte que je ne peux plus lever l’épaule, j’appelle le kiné, mais je me dis que de toute façon, je vais rester sur le court, je vais finir parce que c’est comme cela.«
Une fin de match hollywoodienne
Celui-ci ne pourra pas faire de miracle. Il lui masse l’épaule. Courageusement, Tsonga va donc jouer le tie-break. Mais il ne peut plus soulever sa raquette et tapera même un smash… en changeant de main. Casper Ruud, désolé par ce scénario catastrophe, gagne ce tie-break le set et le match en 3h49. La carrière de Jo-Wilfried Tsonga prend fin ce 24 mai à 17h30 sur ce scénario incroyable. Les deux acteurs de ce film se donnent une accolade chaleureuse tandis que les spectateurs se lèvent pour une longue standing ovation.
» En tout cas, j’ai terminé sur le court en jouant comme je l’ai fait tout au long de ma carrière, c’est-à-dire à courir après chaque point », confiera aussi Jo à la presse. » C’est vrai qu’il y a eu beaucoup d’émotion de mon côté et ce moment restera dans ma mémoire. D’une certaine façon, j’ai terminé comme je le souhaitais.
Jo-Wilfried Tsonga, malgré sa blessure, embrasse longuement la terre battue du Chatrier. Ainsi prend fin la carrière d’un grand joueur, avant l’émouvant hommage qui lui est rendu sur le court central.
Amélie Mauresmo et Gilles Moretton sont les premiers à venir le féliciter sur le court central. Ils sont bien vite rejoints par tous les anciens entraîneurs de Jo, dont le Douaisien Olivier Soulés. Arrive ensuite son staff, sa famille. Projection d’un film sur ses carrière.
Les copains d’abord
C’est alors au tour de ses copains de venir le rejoindre. Gilles Simon, Richard Gasquet, Gaël Monfils, Pierre-Hugues Herbert l’embrassent chaleureusement. Et c’est en vidéo que le « big five » au complet (Andy Murray, Novak Djokovic, Rafael Nadal, Roger Federer) lui adresse un sincère message d’amitié. » J’ai eu du plaisir à jouer contre toi, et même à perdre contre toi« , confie ainsi le champion suisse en français. » Tu va nous manquer. Je te souhaite le meilleur pour la suite avec ta famille.«
Jo reçoit des mains de Monfils le trophée souvenir de la FFT. Visiblement ému, Tsonga sort alors un papier sur lequel il a rédigé son allocution. Des mots simples, sincères, touchants, même quand il avoue n’avoir « pas bien vécu le jeu médiatique » lors de sa longue carrière.
Et c’est avec cette phrase qu’il clôt son petit discours: » merci M.Tennis. Je t’aime ! » Cela aurait pu être un très beau titre de film…