Déjà la 5ème et dernière journée de la phase de groupes de la Coupe du Monde de rugby France 2023. Un final en apothéose, car sous le soleil du Nord avec deux matches. Tonga-Roumanie dimanche, et Angleterre-Samoa ce samedi à Lille. Les archipels du Pacifique avaient certainement apporté le soleil des antipodes avec eux. Et le stade Pierre-Mauroy était bien garni pour l’avant-dernière de ces deux dernières affiches sans grand enjeu.
Ainsi, l’Angleterre était déjà qualifiée, et assurée de la première place du groupe D. Alors que les Samoa pouvaient juste espérer conquérir la 3è place qualificative pour la prochaine Coupe du Monde. Et mathématiquement aussi, rêver de la 2ème place dans un concours de circonstances quasiment infaisable: battre l’Angleterre avec le bonus offensif; et espérer un match nul entre l’Argentine et le Japon. Et l’on vous passe l’histoire des écarts. En résumé, pas trop de motivation pour les Anglais, qui alignaient quand même une forte équipe. Et la voie de l’impossible pour les Samoans, qui voulaient quand même y croire, comme ils l’avaient déclaré la veille en conférence de presse.
La marée blanche en tous cas a de nouveau déferlé sur la métropole lilloise. Durant un mois, on a vu les Anglais très présents dans la région, entre le camp de base au Touquet, le village du rugby à Lille et le stade Pierre-Mauroy à Villeneuve-d’Ascq.
Le XV de la Rose jouait en effet son second match ici. Après la large victoire contre le Chili (71-0), nos voisins s’attendaient cette fois à une vraie opposition face aux Samoans, réputés pour leur jeu physique. Même s’ils n’ont jamais battu les Anglais en 9 confrontations.
Le record pour Owen Farrell
Lors de l’énoncé des compositions, Owen Farrell a fait monter le curseur. Reconverti au centre pour ce match, le capitaine anglais pouvait battre le record de points de l’équipe d’Angleterre, détenu par le légendaire Jonny Wilkinson avant cet Angleterre-Samoa à Lille. 47 891 spectateurs assistent au match.
Un match dont on n’oubliera pas l’ambiance extraordinaire avant le coup d’envoi. D’abord le « Sweet low, sweet Chariot » des supporters anglais suivi des hymnes nationaux, le « Banner of Freedom » suivi du « God Save the King« . Et puis le cri de guerre des joueurs samoans, le « Siva Tau », à l’image de celui des All Blacks. Et enfin « Hey Jude« , chanté par les spectateurs vêtus de blanc. On se serait cru à Twickenham lors du Tournoi des VI Nations.
Dans cette ambiance de feu, le match démarre aussi sans temps mort avec un premier essai anglais, marqué après un débordement sur l’aile gauche de Ollie Cheesum (9è). Un essai de 3/4 aile marqué… par un 2è ligne ! Mais Farrell rate la transformation. Pour le record de Wilkinson, il faudra attendre encore un peu. Mais pas longtemps. Car dix minutes plus tard, l’Angleterre obtient une pénalité. Owen Farrell la réussit et devient ainsi le meilleur marqueur de l’histoire de l’équipe d’Angleterre.
Mais une fois ce fait statistique acquis, le match va prendre une autre tournure, tout aussi historique. L’incroyable devient réalité lorsque les Samoans marquent trois essais de suite à une défense anglaise sidérée ! Nigel Ah Wong (27è et 29è) et Paia’aua (32è) concrétisent une domination nette avec un jeu d’attaque étourdissant. L’ouvreur du Lyon OU Lima Sopoaga est en verve au pied. Malheureusement, le 3è essai est refusé par la VAR, tout comme le suivant.
La furia du Pacifique
Les Anglais sont assommés. Mais ils sauvent l’essentiel grâce à l’arbitrage vidéo en leur faveur. Au repos en effet, ils ne sont menés que 8-14 par des Samoans sensationnels. Le public français fortement présent dans les tribunes prend fait et cause pour les Bleus du Pacifique.
Les guerriers des Iles reviennent conquérants sur la pelouse pelée du stade Pierre-Mauroy. Sopoaga passe une pénalité et creuse un peu plus l’écart pour son équipe (8-17), sous le regard désabusé de Steve Borthwick. le sélectionneur anglais effectue tout de suite des changements. Le XV de la Rose montre en effet ses limites.
Ces changements sont bénéfiques puisque le XV de la Rose réagit enfin après cette longue période de soumission. Joe Merchant marque ainsi un essai justement refusé pour en avant. L’Angleterre se contente d’une pénalité réussie par Farrell pour revenir dans le match (11-17, 58è). Le suspense reste entier et on s’attend à vingt dernières minutes intenses.
L’expulsion fatale
Alors que la nuit commence à tomber sur Lille, Owen Farrell manque une pénalité facile, ce qui préserve le mince avantage des Samoa contre l’Angleterre. Mais alors qu’il reste quatorze minutes à joueur, Tumua Manu prend un carton jaune pour placage en l’air sur Farrell. Le 3/4 centre de Pau laisse ainsi son équipe jouer à 14. Sans doute le tournant du match.
Le pack bleu résiste bien à la forte poussée de la mêlée blanche. Jusqu’à la 73è minute, où le demi de mêlée Daniel Care perfore la ligne samoane pour marquer sous les poteaux. Avec la transformation de Farrell, l’Angleterre reprend l’avantage face aux Samoa (18-17), devant un public de Lille acquis à la cause des iliens.
Les Samoans, toujours en infériorité numérique, effectuent une dernière contre-attaque de folie sur tout le terrain à une minute de la fin. Et ils manquent de marquer l’essai de la victoire pour quelques centimètres ! C’est fini, les valeureux îliens s’inclinent d’un rien à l’issue d’un match héroïque qui a soulevé l’enthousiasme du public. Cet Angleterre-Samoa est de loin le meilleur des quatre matches joués à Lille.
Les spectateurs, alors qu’ils quittent le stade, reprennent en coeur le « Sweet Caroline » qui ponctue la soirée en musique. Merci Messieurs pour ce beau moment de rugby.
Les réactions
Steve Borthwick, sélectionneur de l’Angleterre. « D’abord, félicitations aux Samoa, ils parlaient d’une finale pour eux et ils ont vraiment été à la hauteur. C’était un gros test pour nous, un vrai combat. On s’attendait à une grosse bataille. On doit s’améliorer sur pas mal de maladresses et d’erreurs. Nous avons concédé trop de pénalités. Mais les joueurs ont fini par l’emporter. »
Owen Farrell, capitaine de l’Angleterre. « Tout le monde s’est comporté de manière remarquable. On peut ajouter George Ford, en attaque comme en défense. On a trouvé le moyen d’inscrire un essai, ce qui était nécessaire, et la mêlée a fourni un effort énorme, ce qui nous a permis de gagner le match. »
Seilala Mapusua, sélectionneur des Samoa. « Je suis fier de cette performance et de ce combat. On a bien répondu en conquête, en mêlée et en touche. On a réussi à trouver les espaces derrière. Je suis très fier de la façon dont on a mis notre jeu en place et annihilé le jeu de l’Angleterre pendant environ 70 minutes. »
Lima Sopoaga, homme du match. « On peut sans doute trouver une mauvaise décision ici ou là, une erreur par-ci par-là, et au plus haut niveau, ça se paye cher. C’est une équipe d’Angleterre de qualité, qui s’est accrochée et qui a fini par trouver la faille. Mais je suis incroyablement fier de notre équipe et de ce qu’on a essayé de faire sur le terrain. On a été menés au début, on a continué à se battre. Malheureusement, ce n’était pas notre jour. »